samedi, septembre 27, 2014

Galette de Sarrasin Garnie


Faire fondre une noix de beurre dans une crêpière bien chaude ; y déposer une galette à plat ; disposer une tranche de jambon, parsemer de quelques champignons et de fromage râpé, casser un oeuf au milieu ; laisser dorer quelques minutes, puis rabattre les bords de la galette ; couvrir et laisser cuire l'oeuf encore un peu. Servir avec une salade verte !


Dis-moi ce que tu dois faire, dis-je. C'était le seul moyen de savoir s'il avait compris. Je dois aller à Hole, dit-il, à quinze mille d'ici. Quinze milles ? dis-je. Oui, dit-il. Bon, dis-je, continue. Acheter une bicyclette, dit-il. J'attendais. Plus rien. Une bicyclette ! m'écriai-je. Mais il y a des millions de bicyclettes à Hole ! Quel genre de bicyclette ? Il réfléchit. D'occasion, hasarda-t-il. Et si tu n'en trouves pas d'occasion ? dis-je. Tu m'as dit d'occasion, dit-il. Je me tus assez longuement. Si tu n'en trouves pas d'occasion, dis-je enfin, qu'est-ce que tu feras ? Tu ne m'as pas dit, dit-il. Que c'est reposant, un peu de colloque de temps en temps. Combien t'ai-je donné d'argent ? dis-je. Il compta les coupures. Quatre livres dix, dit-il. Compte encore, dis-je. Il les compta à nouveau. Quatre livres dix, dit-il. Donne-moi ça, dis-je. Il me donna les coupures et je les comptai. Quatre livres dix. Je t'en ai donné cinq, dis-je. Il ne répondait pas, il laissa parler les chiffres. M'avait-il pris dix shillings qu'il dissimulait sur sa personne ? Vide tes poches, dis-je. Il se mit à les vider. J'étais toujours allongé, ne l'oublions pas. Il ne savait pas que j'étais malade. D'ailleurs je n'étais pas malade. Il regardait vaguement les objets qu'il étalait devant moi. Il les sortait de ses poches un à un, les tenait délicatement en l'air entre pouce et index, m'en faisait voir les diverses faces et les posait finalement par terre à côté de moi. Quand une poche était vide, il en sortait la doublure et la secouait. Il naissait alors un petit nuage de poussière. L'absurdité de cette vérification ne tarda pas à m'accabler. Je lui dis de s'arrêter. Les dix shillings, il les cachait peut-être dans sa manche, ou dans sa bouche. Il aurait fallu que je me lève et que je le fouille. de fond en comble. Mais alors il aurait vu que j'étais malade. Non pas que je fusse exactement malade. Et pourquoi ne voulais-je pas qu'il sut que j'étais malade ? Je ne sais pas. J'aurais pu compter l'argent qui me restait. Mais à quoi cela m'aurait-il servi ? Est-ce que je savais seulement quelle somme j'avais emportée de chez moi ? Non. A moi aussi j'appliquai volontiers la méthode socratique. Est-ce que je savais combien j'avais dépensé ? non. D'habitude je tenais une comptabilité des plus rigoureuse de mes voyages d'affaires, je justifiais jusqu'au dernier penny de mes frais de déplacement. Cette fois-ci non. C'aurait été un voyage d'agrément que je n'aurais pas foutu l'argent en l'air avec plus de désinvolture. Mettons que je me sois trompé, dis-je, et que je ne t'ai donné que quatre livres dix. Il ramassait avec flegme les objets qui jonchaient le sol et les remettait dans ses poches. Comment lui faire comprendre ?

Molloy, Samuel Beckett

mercredi, septembre 03, 2014

Pizza Basilic/Mozza ou Aubergine/Coppa



Je me retirai, malade de faim et brûlant de honte. Non, il fallait en finir ! J'en étais vraiment arrivé trop loin. Je m'étais maintenu durant tant d'années, je m'étais tenu droit durant tant d'heures cruelles, et voilà que tout à coup j'étais tombé à la mendicité brutale. Cette seule journée avait dégradé toute ma pensée, avait éclaboussé mon âme d'impudence. je n'avais pas eu honte, pour me rendre intéressant, de pleurer devant les moindres boutiquiers. Et à quoi cela m'avait-il servi ? Ne restais-je pas comme devant, sans une bouchée de pain à me mettre sous la dent ? Tout ce que j'avais obtenu c'était de me dégoûter moi-même; Oui, oui, maintenant il fallait en finir ! dans un instant on allait fermer la porte de ma maison et il fallait me dépêcher si je ne voulais pas coucher au dépôt cette nuit encore....

(....)

Ainsi donc il ne restait plus rien à tenter, j'avais fait tout ce que je pouvais. Que dans toute une journée je n'aie pas réussi une fois ! pensais-je, je pourrais raconter cela à n'importe qui, personne ne voudrait le croire, et si je l'écrivais, on dirait que j'ai inventé. Pas dans un seul endroit ! Bah ! il n'y avait rien à y faire ; avant tout, ne plus essayer de faire pitié ! Fi ! c'est dégoûtant, je t'assure que cela me dégoûte de toi ! Si tout était perdu, eh bien, il était perdu. Au reste, ne pourrais-je pas voler une poignée d'avoine dans l'écurie ? Un trait de lumière, un rayon.... je savais que l'écurie fermait à clef.

(La) Faim, Knut Hamsum