dimanche, février 27, 2011

mardi, février 22, 2011

Tagliatelle Fresche con Gamberetti, Zafferano e Porri (Italia IX)

Chez nous, la pasta est toujours appréciée. On pourrait en manger chaque jour que l'on ne s'en lasserait pas ! Si, en plus, la pasta est fresca, c'est un délice des papilles et des sourires de contentement plein la bouche. Quelques recettes de pâtes fraîches ont déjà été publiées sur ce blog, mais je ne crois pas avoir jamais donné d'indications pratiques quant à leur confection. J'en profite pour réparer cet oubli avec cette recette-ci. D'autant que je suis maintenant experte en matière de pâtes en tout genre, la brisée, la sablée, celle à l'œuf dur, la feuilletée, celle à pain, l'italienne donc... j'en passe et des meilleures. Ne reste qu'à me perfectionner dans l'art de la brioche.

Pour accommoder nos tagliatelle, je vous propose une sauce aux crevettes roses, poireaux et safran. On pourrait aussi bien assouvir son envie de crevettes avec de la tomate et du piment d'espelette, ou bien des asperges, ou bien des courgettes. Le dilemme reste entier quant à savoir s'il vaut mieux une sauce crémeuse avec de la vraie crème ou une sauce au beurre, dont on sait qu'elle se marie très bien avec les produits de la mer. Ne connaissant pas de puristes qui puissent m'éclairer sur le sujet, j'ai opté pour une sauce au beurre, sans toutefois pouvoir me résoudre à en mettre plus qu'une grosse noix. Concernant l'ajout de parmesan, en revanche, je suis au fait des recommandations en vigueur, qui sont ma foi fort strictes, si bien que j'y ai dérogé.

Qu'est-ce qu'il nous faut ?

1/2 boîte d'œufs frais
1/2 paquet de farine blanche
un peu d'huile d'olive
un peu de sel

une belle poignée de crevettes roses
1 poireau du marché
1 oignon ou seulement la moitié qui traîne au frigo
1 gousse d'ail
1 citron jaune ou vert
1 bâton de citronnelle
1 petite bouteille de vin blanc sec
quelques pistils de safran ramenés de Crète
du beurre frais
de l'huile d'olive

Comment procéder ?

J'ai appris à faire la pasta fresca avec Trish Deseine, Jamie Oliver et un petit carnet tout mimi que j'ai ramené de là-bas : PASTA E GNOCCHI fatti in casa, Le ricette di Lucia. Cette recette vaut pour 2 gros mangeurs.

  1. Mettre 300g de farine dans un saladier et creuser un puits au milieu. Verser 3 oeufs dedans, ajouter 1cc d'huile d'olive et une pincée de sel
  2. Battre les oeufs à la fourchette, puis incorporer progressivement à la farine par petits mouvements sur le pourtour du puits
  3. Quand la pâte commence à prendre forme, amalgamer le reste de farine avec les doigts pour obtenir une boule élastique
  4. Laisser reposer à couvert un petit quart d'heure (d'aucuns préconisent plutôt une demi-heure)
  5. Pendant ce temps, décortiquer 400-450g crevettes roses (on peut les acheter crues, auquel cas il faut enlever le boyau noir, ou cuites). Emincer le poireua, l'oignon, l'ail et le bâton de citronnelle (ne prélever que le coeur tendre)
  6. Diviser la pâte en 4 petits pâtons et pour chacun, procéder comme suit : étaler légèrement avec la paume de la main ; passer une première fois dans le laminoir à pâtes ; saupoudrer de farine et replier en trois ; renouveler le passage et le pliage au moins deux fois, juqu'à ce que la pâte passe sans accroc dans le laminoir ; diminuer progressivement l'écartement du laminoir et passer la pâte, en farinant un peu à chaque fois, jusqu'à l'épaisseur désirée (cran 5 sur 6, pour moi) ; disposer la bande de pâte laminée sur un plan de travail fariné
  7. Placer le module de découpage sur la machine à pâtes. Passer chaque bande dans le découpeur à tagliatelles. Fariner abondamment les pâtes dès qu'elles sont découpées et les ranger en nid sur une assiette. Mettre au frais dans le cas d'une cuisson ultérieure
  8. Tremper quelques pistils de safran dans 10 cL de vin blanc
  9. Chauffer un peu d'huile dans une sauteuse et y saisir les crevettes 3 minutes si elles sont crues, puis réserver
  10. Mettre une grande casserole d'eau à chauffer
  11. Faire revenir le poireau, l'oignon et la citronnelle 5 minutes à feu doux
  12. Verser le vin blanc safrané, ajouter la gousse d'ail, puis les crevettes et le beurre. Laisser mijoter 5 minutes
  13. Arroser d'un trait généreux de citron en fin de cuisson
  14. Une fois que l'eau bout, plonger les pâtes en faisant bien attention à ce qu'elles ne s'agglomèrent pas (il n'y a aucun risque si vous les avez bien farinées après le découpage). Cuire 3 minutes.
  15. Egoutter les pâtes, puis réchauffer sur feu doux avec la garniture. Parsemer éventuellement de quelques brins de persil et de parmesan fraîchement râpé.


On demande à la femme, pour qu'ensuite elle se plaise mieux avec nous, pour que nous échappions d'autre part momentanément à des tristesses et des fatigues continuelles, d'aller faire sans nous, ou de nous laisser faire sans elle, un voyage de quelques jours, les premiers - depuis bien longtemps - passé, ce qui nous eût semblé impossible, sans elle. Très vite elle revient prendre sa place à notre foyer. Seulement cette séparation, courte mais réalisée, n'est pas aussi arbitrairement décidée et aussi certainement la seule que nous nous figurons. Les mêmes tristesses recommencent, la même difficulté de vivre ensemble s'accentue, seule la séparation n'est plus quelque chose d'aussi difficile ; on a commencé par en parler, on l'a ensuite exécutée sous une forme aimable. Mais ce ne sont que des prodromes que nous n'avons pas reconnus. Bientôt à la séparation momentanée et souriante succédera la séparation atroce et définitive que nous avons préparée sans le savoir.


jeudi, février 17, 2011

Gnocchi Fondantissimes (Italia VIII)

Je souhaiterais, à l'ocassion de ce post, rendre hommage au blog de Silvia, Savoirs et Saveurs, véritable mine de recettes italiennes et d'infos pratiques pour ne pas les rater. Je cherchais récemment à composer un dîner végétarien pour des amis, et je suis tombée sur cette idée formidable des gnocchis de céleri rave accompagnés de leur sauce très fromagée. J'ai jugé que c'était une bonne façon d'employer le céleri rave qui végétait dans mon frigo (initialement destiné à finir en salade selon les recettes de Jamie Oliver, mais bon). De plus, j'ai pu gagner du temps le jour J en préparant les gnocchi la veille et en les congelant jusqu'au moment de les plonger dans l'eau bouillante.

La préparation des gnocchi est une tâche délicate. Je m'y suis essayée à quelques reprises, ma première tentative ayant été une catastrophe complète. Je crois qu'il est essentiel d'avoir tout d'abord une bonne recette de base, qui donne une pâte ni trop farineuse (gnocchi durs) ni trop humide (gnocchi pâteux qui se dissolvent à la cuisson). L'état des ingrédients compte également pour obtenir une bonne texture : des patates vieilles contiendront plus d'amidon que des patates nouvelles, une purée de céleri egouttée toute la nuit sera moins humide...etc... La cuisson est évidemment une étape cruciale. L'eau doit être bouillonnante, il faut donc plonger quelques gnocchi à la fois seulement et les retirer à l'écumoire une fois qu'ils sont remontés à la surface. Cette fois-ci, j'ai utilisé deux casseroles en même temps pour optimiser la rentabilité. Le céleri rave ajouté aux pommes de terre rend les gnocchi très moelleux et donne un petit goût subtil qui se marie très très bien avec la noisette.


Qu'est-ce qu'il nous faut ?

3-4 grosses patates, vieilles
1 petit céleri rave
300g de farine

1 belle tranche de gorgonzola
1 belle tranche de fontina
une brique de crème fraîche liquide
une poignée de noisettes décortiquées
du beurre
du parmesan fraîchement râpé

Comment procéder ?

  1. Cuire les pommes de terre en robe des champs à l'eau bouillante. Peler le céleri et le couper en cubes, les cuire à l'eau bouillante
  2. Peler les pommes de terre et les passer au moulin à légumes. Ecraser la purée de céleri et ajouter 350g aux pommes de terre
  3. Ajouter la farine et mélanger du bout des doigts, amalgamer en une boule de pâte élastique
  4. Prélever des boulettes de pâte et former des rouleaux longs et minces
  5. Détailler chaque rouleau en gnocchi de 2 cm au couteau. Rouler les gnocchi dans la farine et les marquer d'un coup de fourchette (avec le dos)
  6. Disposer les gnocchi dans un plat ou une grande assiette, bien séparés les uns des autres. Laisser figer au congélateur pendant 2 heures, puis les ranger dans des sacs de congélation et remettre au froid.
  7. Griller les noisettes à sec dans une poêle, puis les couper en deux.
  8. Couper les tranches de fromage en dés. Faire fondre 7 minutes dans le beurre et la crème.
  9. Cuire les gnocchi dans une grande casserole, par groupes. Napper de sauce au fromage et parsemer de noisettes.

Comme un homme qui n'avait d'abord que des motifs peu importants de se fâcher se grise tout à fait par les éclats de sa propre voix et se laisse emporter par une fureur engendrée non par ses griefs, mais par sa colère elle-même en voie de croissance, ainsi je roulais de plus en plus vite sur la pente de ma tristesse, vers un désespoir de plus en plus profond, et avec l'inertie d'un homme qui sent le froid le saisir, n'essaye pas de lutter et trouve même à frissonner une espèce de plaisir.


Marcel Proust, La Prisonnière.

samedi, février 12, 2011

The Tarte Tatin, by Pierre Hermé


Trop de beurre ! Certes, le beurre est un ingrédient essentiel à la pâtisserie, qui met ses qualités au service du goût et permet d'obtenir des textures fondantes, moelleuses, aériennes même. Et pourtant, on dirait parfois que les dosages du maître Hermé sont par trop généreux... Comme avec cette recette de tarte tatin.

La tarte des demoiselles Tatin, dessert classique s'il en est de la cuisine française, se déguste (paraît-il) tiède, accompagnée d'une boule de vanille ou d'une cuillerée de crème fraîche (d'Issigny). Celle de Pierre Hermé est délicieuse dégustée de la sorte. Cependant, on peut regretter de ne pouvoir la croquer froide avec le même plaisir, tant elle est riche, et que la quantité de beurre accumulée (90g dans la pâte et 130g avec les pommes !) soit comme un affront fait à la sublime crème/glace d'accompagnement. Ainsi, je préconise de diminuer cette fichue quantité de beurre dans le caramel, ne doutant pas (ou si peu) que le résultat soit aussi réussi et aussi bon.

Cette splendide tarte me donne l'occasion d'officialiser l'acquisition d'une nouvelle corde à mon arc de marmiton : la pâte feuilletée n'a plus de secret pour moi (du moins la pâte feuilletée inversée selon Pierre Hermé) ! C'est excessivement simple et excessivement bon, qui l'eût cru ! Après un premier essai encourageant, j'ai pu de nouveau m'extasier devant mes belles couches de pâte croustillante... un nouveau monde s'ouvre à moi. J'ai également découvert le caramel à sec, tout aussi simple à réaliser à partir du moment où l'on a une casserole à fond épais (en fonte) et que l'on regarde ce qu'il se passe !


Qu'est-ce qu'il nous faut ?

1 pâte feuilletée selon la recette exposée ici
1 sac ou une cagette de pommes qui tiennent bien à la cuisson (Canada, Golden, Boskop...)
1/2 paquet de sucre en poudre
une petite plaquette de beurre de qualité

Comment procéder ?
  1. Donner son dernier tour simple à la pâte feuilletée inversée et remettre au frais
  2. Peler 1-1,5 kg de pommes et les couper en quatre
  3. Mettre 200g de sucre dans le fond d'une casserole en fonte et chauffer à feu moyen jusqu'à ce que le sucre se dissolve et caramélise. Il ne faut pas remuer le sucre ou le tripatouiller d'aucune sorte pendant cette étape
  4. Ajouter 70g (130g dans la recette de PH) de beurre en morceaux au caramel et remuer sur feu doux pour rendre la mixture homogène
  5. Verser dans le fond d'un moule à tarte et disposer les quartiers de pomme par-dessus, les enrober
  6. Cuire les pommes au four à 180-190°C une dizaine de minutes, retourner, et poursuivre encore 10 minutes
  7. Etaler la moitié de la pâte feuilletée pendant que les pommes refroidissent (10 minutes), puis disposer le disque de pâte par-dessus les pommes (réserver l'autre moitié pour une utilisation ultérieure)
  8. Enfourner 20 minutes à 180°C, le temps de cuire la pâte, laisser refroidir avant de démouler sur un plat de service.




mercredi, février 09, 2011

Des crêpes et des crêpes et des crêpes !!!


C'est quoi une bonne recette de crêpes ?

Alors, tu vois, faut faire gaffe, la différence entre une bonne crêpe et une mauvaise crêpe... ben, déjà la bonne est fine, très fine, presque transparente, et puis elle est parfumée, et moelleuse, pas sèche, et puis aussi ça sert à rien le beurre dans la pâte à crêpes.
Je suis toujours étonnée de constater à quel point il est difficile de trouver une vraie bonne recette de crêpes, simple, facile, sans fioriture mais subtile... Consultez tous les livres/bibles culinaires que vous voudrez, vous aurez bien du mal à trouver cette recette-là. Et pourtant, exécutée par un manieur expert de crêpière, elle donne des galettes sucrées merveilleuses pour la Chandeleur (oui, c'est un peu tard, jeune homme).

Qu'est-ce qu'il nous faut ?

  • 1/2 boîte d'oeufs (des gros)
  • 1/2 paquet de farine
  • du lait (mais c'est quoi cette...?)
  • de l'eau (mais oui, de l'eau, dans la pâte à crêpes, je vous jure !)
  • du sucre en poudre
  • de l'eau de fleur d'oranger
  • du rhum ambré ou du cointreau
  • 1 orange non traitée, zestée
  • 1 citron non traité, zesté

Comment procéder ?

  1. Chauffer 200 mL d'eau et 200 mL de lait à la limite de l'ébullition
  2. Disposer 300g de farine dans un grand saladier
  3. Incorporer 3 œufs un à un avec un fouet
  4. Verser le mélange lait-eau en remuant énergiquement avec le fouet pour éviter la formation de grumeaux
  5. Ajouter 1-2 bouchons de fleur d'oranger, 1-2 bouchons de rhum ambré ou de cointreau, un zeste d'orange entière, un zeste de citron entier, en remuant
  6. Laisser reposer la pâte quelques heures. Elle va épaissir. Au moment de faire les crêpes, il faut délayer la pâte avec de l'eau jusqu'à ce qu'elle devienne bien liquide
  7. Faire chauffer la poêle, huiler légèrement. L'astuce pour avoir des crêpes bien fine consiste à utiliser le moins de pâte possible. C'est pour ça qu'il faut la pâte soit très liquide : de cette façon, elle s'étale bien dans la poêle sans avoir besoin d'en mettre une grande quantité.
  8. Une fois la crêpe retournée, saupoudrer de sucre en poudre et plier en triangle dans la crêpière, de sorte que le sucre fonde dans la crêpe chaude. mmmmhh !


samedi, février 05, 2011

Salade de Petit Epeautre et Potimarron au thé Yunnan


En cette période hivernale, la bouffe, disons-le, est source de réconfort. Et en particulier, dans mon cas, toutes ces courges aux noms enchanteurs (musquée, spaghetti, delica... ), aux textures déroutantes et aux couleurs enthousiastes ! Ce mariage de petit épeautre, potimarron et thé résulte d'une synthèse entre un post de Clotilde, un livre sur la cuisine au thé et la Rock'n'roll cuisine de Jamie Oliver...

L'Esprit :

Equilibre et saveurs pour ce plat, qu'on peut considérer comme une assiette complète végétarienne ou une salade tiède à servir en accompagnement de poisson, charcuterie, poulet... Il met à l'honneur le petit épeautre cuit dans une eau parfumée au thé et le potimarron (pas loin d'être mon légume préféré) rôti au four, dont la chair douce et tendre fond presque littéralement en bouche. L'ensemble est relevé d'épices chaudes, enrobé d'un filet d'huile d'olive et surmonté de copeaux de vieux comté.

Qu'est-ce qu'il nous faut ?

1 petit potimarron orangé
1/2 paquet de petit épeautre bio
1 morceau de comté affiné 18 mois par un maître fromager (*)
quelques noix séchées dans leur coque
1 poignée de graines de coriandre
une pointe de couteau de piment
du thé Yunnan en vrac
de l'huile d'olive

(*) le mien venait de la fromagerie "Au Vieux Gourmet", 3 Rue Orfèvres à Strasbourg, où le Meilleur Ouvrier de France Cyrille Lorho officie.

Comment procéder ?
  1. Mesurer le volume de 200-250g de petit épeautre et mettre dans une casserole. Verser 2 x ce volume en eau et porter à ébullition.
  2. Préchauffer le four à 200°C. Laver et couper le potimarron en morceaux de la taille d'une bouchée. Disposer les morceaux sur une plaque recouverte de papier sulfurisé. Arroser d'un filet d'huile d'olive et enfourner une fois le four chaud pour une dizaine de minutes.
  3. Laisser infuser 1cs de thé dans l'eau frémissante pendant 5 minutes, puis retirer. Poursuivre la cuisson du petit épeautre environ 40 minutes.
  4. Ecraser au mortier ou au rouleau à pâtisserie une petite poignée de grains de coriandre, mêler au piment et à un peu de sel. Saupoudrer ce mélange d'épices sur les morceaux de potimarron et poursuivre la cuisson au four encore une dizaine de minutes.
  5. Décortiquer les noix (2 techniques : l'ordinaire cass-noisettes ou insérer la pointe d'un couteau dans le derrière de la coque de noix à l'horizontale et tourner le couteau de 90°C en position verticale... magique !) et le disposer avec les morceaux de potimarron. Griller au four 5 minutes de plus.
  6. Egoutter les grains de petit épeautre et mélanger avec les morceaux de potimarron bien tendres.
  7. Racler des copeaux de fromage à l'économe et les déposer par-dessus la salade chaude. Servir sans attendre, parsemer éventuellement de brins de persil frais.

Aussi est-ce en pure perte pour elle que sa maîtresse le fait tant souffrir. Dissipe-t-elle au contraire, d'un mot adroit, de tendres caresses, les soupçons qui le torturaient bien qu'il s'y prétendît indifférent, sans doute l'amant n'éprouve pas cet acroissement désespéré de l'amour où le hausse la jalousie, mais cessant brusquement de souffrir, heureux, attendri, détendu comme on l'est après un orage quand la pluie est tombée et qu'à peine sent-on encore sous les grands marroniers s'égoutter à longs intervalles les gouttes suspendues que déjà le soleil reparu colore, il ne sait comment exprimer sa reconnaissance à celle qui l'a guéri. Albertine savait que j'aimais à la récompenser de ses gentillesses, et cela expliquait peut-être qu'elle inventât pour s'innocenter des aveux naturels, comme ses récits dont je ne doutais pas et dont l'un avait été la rencontre de Bergotte alors qu'il était déjà mort. Je n'avais su jusque-là de mensonges d'Albertine que ceux que, par exemple, à Balbec m'avait rapportés Françoise et que j'ai omis de dire bien qu'il m'eussent fait si mal : " Comme elle ne voulait pas venir elle m'a dit : 'Est-ce que vous ne pourriez pas dire à Monsieur que vous ne m'avez pas trouvée, que j'étais sortie ?' " Mais les inférieurs qui nous aiment, comme Françoise m'aimait, ont du plaisir à nous froisser dans notre amour-propre.

Marcel Proust, La Prisonnière.