C'est dans les années 60 que les frères Troisgros mettent au point la fameuse escalope de saumon à l'oseille, recette qui fit leur réputation et emblématique de la nouvelle cuisine française. La découpe du saumon en escalope, la (sous)-cuisson, l'association de l'oseille et du citron dans une sauce crémeuse nappant le poisson, tout cela constitua une révolution des papilles de l'époque.
Robert J. Courtine, alors critique gastronomique du Monde, qui signait «La Reynière», parlera de saumon intelligent et s'exclamera : " Autrefois on disait Les Troisgros, en face de la gare. On dit maintenant La gare de Roanne? Juste en face des Troigros !".
Si le saumon à l'oseille figure toujours à la carte du restaurant, la recette s'est notablement transformée (et allégée) au fil du temps. Je vous en propose ici une version avec des pâtes, beaucoup d'oseille et pas de citron !...
Qu'est-ce qu'il nous faut ?
- 250g de tagliatelles sèches ou fraîches
- 2 escalopes de saumon extra-frais
- 1 bouquet d'oseille fraîche
- 2 échalotes
- 1 brique de crème liquide
- 1 verre de vin blanc sec
- 1 bouchon de vermouth (Martini, Noilly Prat...)
- 1 morceau de beurre
Comment procéder ?
- Équeuter les feuilles d'oseille en tirant dessus de bas en haut pour supprimer les nervures ; les laver et déchirer les feuilles les plus grandes en deux ou trois
- Hacher les échalotes et les mettre dans une sauteuse ; verser le vin blanc et le vermouth, porter à ébullition, puis laisser réduire de moitié
- Ajouter la crème et porter à frémissements ; jeter les feuilles d'oseille et les laisser tomber (20 sec) ; ôter du feu
- Incorporer le beurre en petites parcelles, donner un mouvement de rotation pour monter la sauce ; maintenir au chaud
- Cuire les pâtes selon les instructions, environ 6 minutes si elles sont sèches, 2 minutes si elles sont fraîches
- Saisir les pavés 1 minute dans une poêle sans gras, côté peau, puis les retourner et compter encore 45 secondes ; couper le feu et laisser reposer
- Égoutter les pâtes, leur ajouter un peu de sauce pour éviter qu'elles ne collent
- Servir les escalopes à l'assiette ; accompagner des pâtes et napper de sauce.
C'est une longue histoire qui tient compte du contexte de l'époque et de constats que nous avions pu faire. Au hasard de vacances à Peyrehorade, nous nous étions aperçus que les autochtones mangeaient le saumon demi-cuit, ce que l'on a appelé ensuite rose à l'arête. C'était vraiment un autre plat, mais nous nous demandions comment nous pourrions faire manger cela à des clients qui n'y étaient pas prêts car à l'époque le saumon était servi très cuit et l'on n'aurait pas accepté de voir un petit bout de rouge dans un poisson...
Le saumon était très cher et n'était servi qu'en darnes, pour des portions bien précises. Nous avons eu l'idée, comme je l'avais vu faire à Alex Humbert chez Maxim's, de l'escaloper en levant les filets et de le poêler rapidement pour cacher cette cuisson aux consommateurs.
La sauce vin blanc au bain-marie était alors la sauce universelle pour les poissons, mais par déduction nous avons estimé que c'était trop gras et qu'il fallait contraster avec l'acidité. En 1955, l'oseille avait un peu disparu des potagers, nous en avions sur la table parce que ma belle-mère en avait planté dans le jardin plus qu'il n'en fallait et nous l'avons jeté dans la sauce. Le mariage avec le saumon était assez heureux.
Michel Troisgros
Michel Troisgros
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